Pas toujours les mêmes
Samedi,
grâce à quelques contacts, j'ai pû prolonger mon
visa périmé. Encore plus fort: je devrais obtenir ma
carte de séjour vendredi ou lundi.
Si ça se trouve, à partir de
maintenant, tout va aller de mieux en mieux dans ma vie (travail,
maison, amour) et je n'aurais plus rien à écrire
(bouffée d'optimisme fou...ah non, ce sont les vapeurs de
White Spirit -je viens de vernir la table-).
Heureusement,
il y a de par le monde des âmes charitables - et suicidaires -, prêtes à reprendre le flambeau de la malchance,
en s'occasionnant au passage des brulures au 2ème degré.
Alors Oyez! Oyez!
L'histoire de l'ami-de-Brett.
Alors voilà, Brett
a un petit amie.
Il est beau et son prénom...
c'est Bonnie
A eux deux ils forment le
gang....arg! C'est n'importe quoi: Et vous qui me laisser faire sans
m'arrêter!
Reprenons. Brett est un
américain qui relit et corrige les traductions pour le
magazine.
Sa femme (et ses amis)
travaillent au sein d'une école/association/agence de
renseignement dépendant directement de l'Ambassade des Etats
Unis au Togo.
Parmi, ses amis
professeurs d'anglais, il y a un Black américain, Whashington.
Maintenant, plantons le
décor: le président de la République, Eyadéma
vient de mourir.
L'armée vient de placer à la tête
du pays un des fils du feu Eyadema; ce qui poussent les opposants à
crier au scandale.
Dans un quartier populaire de Lomé, les
jeunes (désoeuvrés et casseurs à mi temps) sont
bien décidés à manifester/clamer leur haine du
pouvoir/de la France/des Méchants et à en découdre
avec les militaires; militaires qui les attendent de pied ferme.
Alors que la majorité
des étrangers éviteraient le dit quartier populaire,
Washington va y faire un p'tit tour en voiture (sans aucune raison
apparente). Il se fait arrété par des militaires,
légèrement à cran, après avoir reçu
injures et pavés lors de la manifestation « pacifiste »
(dixit la radio RFI) .
En joyeux troublion, il
n'a AUCUN papier sur lui; et il ne parle pas Français.
Mieux: il est défoncé
et les militaires retrouvent un sachet d'herbe dans sa voiture (la
consommation/trafic de drogue a toujours été sévèrement
réprimé au Togo).
Tout d'abord, les
militaires ne sont pas convaincus de la nationalité de
Washington: un noir parlant Anglais, possédant de la drogue et
se prétendant Américain, il peut s'agir d'un trafiquant
Ghanéen...ou pire d'un sympathisant de l'opposition togolaise.
Par chance, ils finissent
par accepter le fait que Washington soit bel et bien américain.
Moi, à la place de
Washington, j'aurais téléphoné à mes amis
et/où à l'Ambassade pour demander assistance et
Protection. Mais Whashington est, disons le, stupide: il a une autre
idée en tête; celle faire une virée avec les
militaires.
Il leur demande
simplement si, avant d'aller en garde à vue, il peut monter
avec eux, à bord de leur fourgonnette-mitrailleuse, voir les
manifestants se faire tabassés par les forces de l'ordre...et
ils acceptent!
La joyeuse bande va observer les affrontements. Soudain, un panache de fumée noire s'élève dans le ciel: près de l'aéroport, les établissements Gomina (meches et perruques artificielles) brulent! Et voilà, la 7eme compagnie en route pour assister au spectacle affligeant (je l'e verrai moi-même un peu plus tard) qu'offrent les pompiers de Lomé: venus avec leurs beaux camions rouges, ils regardent le feu dévorer les batiments sans rien faire: ils n'ont pas d'eau dans leurs camions! (pas d'argent pour réparer les pompes/lances).
Finalement, les militaires conduisent Washington à la prison mais pas EN prison: il est étranger alors ils hésitent à le mettre dans la cage (c'est le terme) avec les voleurs/meurtriers africains. Washington prend place sur le banc où se reposent habituellement les geoliers, regarde la télé, discute, voire sort du batiment (mais sans s'éloigner) fumer une cigarette.
Pendant ce temps, les
élèves de Washington, ces collègues et ces amis
ne savent pas où il est.
Finalement, une fois
localisé, Washington recoit la visite de ses amis qui lui
amènent de quoi manger/se vétir/etc... pendant une
semaine, il va rester là.
Puis le jour du procès arrive (ce qui est déjà positif car ici, il y a quantité de gens emprisonnés depuis des mois et des années en attente d'un procès équitable ou non). L'ambassade américaine veut bien payer les amendes/caution mais ne veut en aucne manière être impliquée officiellement...c'est donc Brett qui sert d'intermédiaire.
Le juge prononce sa
sentence: 3 mois de prison et 200 000 frs cfa (je ne me rappelle plus
du montant exact de l'amende). L'avocat a tout prévu: il a
passé la journée de la veille à apprendre à
Washington ces mots simples « s'il vous plait. monsieur
S'il vous plait ». Un coup de coude bien placé, et
Washington entame sa litanie « s'il vous plait. monsieur
S'il vous plait. Monsieur ».
Le juge cède:
contre le paiement immédiat de l'amende, Washington est libre.
L'ambassade américaine
le récupère et lui fait quitter le pays le soir même
(en laissant toutes ses affaires au Togo).
Plus tard, Brett
m'apprend que Washington est un fils à papa: sa famille pour
l'aider à surmonter le traumatisme de cette terrible épreuve
lui a payé un voyage dans les Bermudes, histoire qu'il se
détende un peu.
Cette histoire vous
paraît incroyable? Ou Fausse?
Fausse, elle l'est en
partie: le Black ne s'appelle pas Washington (j'ignore son
nom)...
Pour le reste, bienvenue en Afrique où le meilleur
comme le pire (et surtout le pire) peuvent arriver.